L’hiver est terminé.
Quand j’ai réalisé que c’était la dernière neige de l’année qui fondait à Stockholm, j’ai ressenti beaucoup d’émotions. Un an, c’est assez long en terme de durée, mais c’est court dans la mesure où chaque saison ne se vit qu’une seule fois : cela oblige à les savourer pleinement.
Bien sûr, je reviendrai à Stockholm, peut-être que je reverrai toutes les différentes saisons au cours de ma vie dans cette belle ville. Mais je n’y habiterai sans doute plus jamais, c’était une expérience unique dans ma vie.Je me souviens parfaitement de la dernière fois que j’ai marché sur un lac gelé, à Lidingö, à la fin du mois de Mars, et des dernières traces de neige que j’ai pu voir dans certaines réserves naturelles ces derniers temps : l’impatience et la joie se mêlaient au sentiment de nostalgie.
Pendant toutes les longues nuits d’hiver, la ville de Stockholm était magnifique. Il y avait des guirlandes lumineuses partout, et les rues étaient bien éclairées durant toutes ces après-midi d’obscurité. C’était chaleureux, malgré le froid et l’obscurité. L’ambiance était calme, apaisante, feutrée. Stockholm est une ville où on se sent bien, apaisé et en sécurité, même après la tombée de la nuit.
Bien que l’hiver fut assez difficile à vivre, j’ai fait beaucoup de promenades, beaucoup de photos, j’ai exploré plein d’endroits lorsque la température était négative et qu’une épaisse couche de neige recouvrait la ville. Je me suis souvent perdue en pleine nature, aussi longtemps que ma résistance au froid le permettait, à explorer un maximum de parcs et de réserves naturelles.
Je me rappelle le bonheur que j’éprouvais lorsqu’il y avait du soleil sur le campus enneigé. Lorsque je rentrais chez moi tard le soir et que de légers flocons tombaient dans la rue déserte. Je me rappelle encore de la toute première fois qu’il a neigé : c’était lors de mon week-end d’anniversaire. Mon père était venu en Suède, et on avait loué un petit chalet au bord d’une rivière pour le fêter. Il y avait une ambiance magique, et je n’oublierai jamais ce week-end de mes 20 ans. Le dimanche matin, je me suis levée tôt, j’ai fait un sauna et puis je suis allée me baigner dans la rivière gelée, par -4°. C’était une expérience typiquement scandinave que j’avais toujours voulu vivre. Partir presque seule loin de tout pour mes vingt ans paraîtra sans doute un peu étrange à ceux qui préfère le contact social, les fêtes et la compagnie, mais personnellement, je ne pouvais pas rêver mieux que le calme, la nature, des bougies et une cheminée. Dans les pays nordiques, ce n’est pas un hasard si les maisons sont joliment décorées, s’il y a des magasin de lampes et de décoration partout, et qu’ils sont bien connus pour ça : rendre la vie en intérieur chaleureuse est le seul moyen de supporter les conditions difficiles de l’hiver. Être dans un bel endroit, agréable à vivre, chaud et lumineux, avec des gens que l’on aime, c’est peut-être un peu la base de l’art de vivre à la scandinave, et c’est en même temps si simple.
Je pense avoir savouré l’hiver malgré tout. Malgré la dépression saisonnière, malgré la grande fatigue, malgré certaines difficultés. Il m’a semblé extrêmement long : il est arrivé tôt, s’est installé progressivement, puis a semblé ne jamais s’arrêter. Et le printemps, lui aussi, est arrivé très rapidement : la neige a fondu, les jours se sont rallongés à une vitesse folle, les terrasses se sont remplies, les rues se sont animées…
Au moment où j’ai écris ce texte, nous étions à la fin du mois d’avril, et tous les arbres commençaient à bourgeonner, l’herbe reprenait enfin des couleurs, et il avait fait particulièrement chaud au milieu du mois. J’ai toujours adoré le printemps : c’est sans doute ma saison préférée, comme pour beaucoup de personnes. Mais jamais, de toute ma vie, je n’avais autant apprécié son arrivée.
Je pensais aimer le printemps, aimer la nature, mais pourtant, je n’avais jamais vraiment pris le temps de l’observer renaître. De détailler les différentes formes des différents bourgeons des différents arbres, de les voir s’épanouir jour après jour. Je n’avais jamais réalisé combien de temps l’herbe mettait à verdir, les fleurs à pousser, les arbres à retrouver leurs feuilles. Dans un sens, je suis heureuse d’avoir traversé une si violente dépression saisonnière : je n’ai jamais vécu aussi intensément le printemps avant cette année. Je n’ai jamais ressenti avec autant de force la vie se reformer, la terre se réchauffer et l’énergie créatrice se décupler. C’est sûrement parce que l’hiver a été difficile qu’aujourd’hui, je suis profondément heureuse, et pleinement consciente de mon environnement. Je me sens forte, épanouie, prête à réaliser toutes sortes de projets.
L’hiver est terminé, et il laisse place à la formidable énergie bienfaisante et créatrice du printemps. Et plus que jamais, je me sens connectée au monde qui m’entoure.